Trêve à Saint-Géry !
À propos
Si, en cette période de reconfinement, il y a bien un quartier bruxellois dans lequel les habitants ne se plaignent ni du couvre-feu ni de la fermeture des cafés, c’est à Saint-Géry. Les riverains ont enfin expérimenté la possibilité d’un sommeil apaisé, chez eux, et ne souhaitent sans doute pas un retour à la normale. La situation qu’ils connaissent depuis une dizaine d’années est tout sauf normale : excessives, abusives et en partie illégales, les dérives liées aux exploitations horeca ont fortement dégradé l’environnement et la qualité de vie des habitants. La Ville de Bruxelles a effectivement préféré miser sur la dimension festive et l’attractivité plutôt que sur l’habitabilité des lieux. Face au manque de prise en considération d’un besoin pourtant vital (le sommeil), le comité de quartier s’est donc, depuis 2010, tourné vers l’ARAU qui a relayé, à travers divers communiqués de presse, la gravité de la situation.
L’absence d’encadrement de l’évolution du quartier par les autorités communales ne date pas d’hier. Délaissé par les pouvoirs publics dès les années 1960, il a fallu plus de 25 ans pour sauver les Halles et son patrimoine, reconstruire du logement, et redonner vie au quartier… Si l’ARAU s’est investi dans cette mission de défense des riverains de Saint-Géry, c’est qu’il est depuis longtemps engagé dans ce combat pour le retour de l’habitat dans le quartier Saint-Géry (et le centre-ville en général) et pour la conservation du bâtiment des Halles, sauvées grâce à l’engagement de l’association.
En 1974, la Ville de Bruxelles envisageait effectivement des travaux de rénovation du quartier et projetait d’abattre le bâtiment des halles afin d’y réaliser un square. L’ARAU s’oppose à la démolition et propose un contre-projet rétablissant la fonction commerciale des lieux et d’en faire un jardin d’hiver (L’ARAU a régulièrement fait part de sa conviction en l’intérêt d’une réanimation commerciale du site.) Les Halles sont finalement sauvées de la démolition et classées en 1987. Le comité de quartier est quant à lui créé en 1990. L’exploitation de l’identité festive du quartier dans les années 2000, accompagnée d’une emprise voire d’une vampirisation de l’horeca sur les autres fonctions de la ville, est à la source des nuisances devenues insupportables à vivre au quotidien : bruit, extension des terrasses, sécurité, etc. En 2011, le Comité de Quartier Saint-Géry, l’ARAU et IEB ont donc clairement tiré la sonnette d’alarme : le phénomène des nuisances sonores ne cesse de s’amplifier et il n’est pas acceptable que la Ville ne joue pas son rôle pour protéger ses propres habitants !
En l’absence de réactions et de mesures efficaces par la Ville de Bruxelles, les conditions de vie ont continué à se dégrader et l’exacerbation des habitants à se généraliser. Lorsque la CVB tourne le film documentaire en 2017, la situation est très sensible, les riverains épuisés, et l’investissement dans le projet de reportage est émotionnel : l’espoir d’être enfin écouté. Car il semble finalement que seul un travail plus large de sensibilisation et de communication pourrait faire réagir les autorités.
NUIT ET JOUR À SAINT-GÉRY a été diffusé dans le cadre de la 49e école urbaine de l’ARAU dédiée au bruit dans la ville, colloque qui accueillait également le congrès annuel du réseau européen « Vivre la Ville ! » regroupant des comités de quartiers de villes européennes touchées par des problématiques identiques : nuisances sonores et touristification des centres villes. Saint-Géry n’est pas isolé et les revendications de ses habitants, si elles ne touchent pas encore assez les autorités bruxelloises et les visiteurs du quartier, font clairement écho à de nombreux autres combats de comités, dans toute l’Europe, pour le droit à vivre en ville !
Marion Alecian, directrice de l'ARAU
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Le film ATELIERS URBAINS #13 - Nuit et Jour à Saint-Géry est disponible en ligne pendant une semaine >> https://vimeo.com/247998861