SOLITUDE

Pour la majorité d'entre nous, le confinement s'apparente à une situation inédite. En tant que citoyens, nous faisons soudain l'expérience d'une privation de libertés si rudimentaires que l'on devine à peine leurs contours en "temps normal" : la liberté de se déplacer et d'agir dans l'espace public selon notre volonté.
Cette période de crise nous invite donc à revenir sur le sens de ces privations de liberté dans notre société. Les détenu.e.s, les exilé.e.s, les sans-abris, les mal-logé.e.s, celles et ceux dont la présence et le mouvement dans l'espace social font déjà l'objet d'un encadrement rigoureux, subissant de plein fouet la crise actuelle.  

Nous tendons à espérer que l'enfermement des corps suscite non seulement un repli, mais permette aussi une véritable réflexion sur nous-même. On l'entend presque tous les jours : l'enfermement serait l'opportunité de penser, depuis la quiétude de nos foyers, l'invention d'un monde "d'après". Et si revenir à une sorte de vie monastique solitaire était le cadre idéal pour agir sur notre intériorité et nos choix collectifs ?
Pas si simple. Et le cinéma documentaire, en allant à la rencontre des réalités parfois cruelles des personnes privées de liberté, nous aide à comprendre cette difficulté.

Nous vous invitons cette semaine à revisiter deux films issus du catalogue du CVB. Deux films portant sur des sujets graves, mais aux formes visuelles et relationnelles à la fois originales et sensibles. De quoi, nous l'espérons, nourrir cette réflexion "confinée" dans l'attente de ce fameux monde "d'après".

Les femmes rencontrées par Chris Pellerin dans FORT INTÉRIEUR nous montrent cette équivoque terrifiante du "confinement" carcéral. La prison offre ici un espace de répit pour des vies déjà "enfermées à l'extérieur" et l'occasion de procéder à l'examen de crimes parfois terribles. Mais aussi, au long terme, une boucle solitaire de souvenirs, de remords et d'angoisses. Cette intériorité confinée trouve un lieu d'expression et d'ouverture dans le dialogue à la fois plastique et verbal installé avec la réalisatrice.

Le film collectif LA MAISON, réalisé avec l'association Le Piment à Molenbeek en 2012, rappelle l'importance de l'espace dans lequel prend place cette réflexion sur nous-même. Le témoignage d'Ahmed, exilé à Bruxelles, montre l'emprise du souvenir, la blessure de la perte d'un véritable chez-soi, bien au-delà du confort matériel, et même de la sécurité physique.

Bonne découverte !

Ken Slock, assistant de direction et production

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