« Isolé dans ce cocon ferme, où rien ne dure, et où tout, inlassablement, se répète, tu attends sans attendre, flânes sans flâner, tu veux sans vouloir, exiges, et oublies d’un même élan. A tes pieds tu vois tout ce qui est concevable : téléphone portable, ordinateur, cigarettes, tourisme, musique et images.
Et pourtant, tu t’ennuies. (…) Tu t’ennuies de ce tout qui t’indiffère, et pour lequel, étranger, tu n’existes pas. » 1
BOUQUINS CÂLINS et À L’ŒUVRE, les deux films que nous avons choisi de vous présenter en cette sortie progressive du confinement, s’intéressent à la naissance de la pensée et du désir chez le bébé et chez l’enfant, lorsque, jetés dans l’espace d’un lieu de partage de la culture (crèche, bibliothèque, médiathèque, etc.), il tâte, touche, appréhende une œuvre, qui « [le] touchera en retour, et dans une forme de rebond, [le] liera au monde. » 2
Le désir n’est pas simple. Toute pensée contient sa part d’acharnement. Et, cependant, « comme une petite pensée peut remplir toute une vie ! », disait Wittgenstein 3.
Une révolution est en train de s’opérer en faveur des plateformes VOD, exacerbée en cette période de confinement obligatoire, et tout porte à croire que le réseau infini des connexions nous permettra autant de rencontres fortuites et de possibilités de penser.
Or l’effort à l’origine du désir est annulé quand la création artistique, régie par des algorithmes, se transforme en une offre artistique sur mesure, servie sur un plateau d’argent, au risque de retomber dans le profond ennui de soi et de l’autre, décrit par Maxime Coton dans le film À L’ŒUVRE. L’ennui du méchant enfant gâté et capricieux que nous sommes tous encore, parfois. Vidés on en redemande.
Une autre menace pèse sur la création et la réception de films d’auteurs : l’offre VOD grandissante se déploie aux dépens des salles et autres lieux de diffusion et de rencontre, où travaillent passionnés de cinéma à la construction de programmations audacieuses et personnelles, et au mépris des règles de chronologie des médias, ce qui, à terme, pourrait affaiblir la création indépendante, à défaut de visibilité médiatique et publique.
Nous sortons petit à petit de nos tanières. Ni tout à fait les mêmes. Ni tout à fait autres. Et bientôt nous nous retrouverons en chair et en os, au hasard d’une ballade, d’une phrase que vous auriez trouvé belle, d’une image, dans les Points Culture (dont la réouverture du prêt est prévue pour le 19 mai), Bibliothèques, Centres culturels, pour partager une expérience d’immersion dont on espère que vous (et nous) ne ressortirons pas indemnes.
Florence Peeraer, chargée de promotion / diffusion
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